Quand la magie rencontre la blockchain !
Ou comment le bitcoin protège un trésor d'Afrique.
Il était une fois une forêt ancienne, luxuriante, aux pieds des volcans d’Afrique centrale. Là où la brume danse au-dessus des cimes et où les gorilles, silencieux géants des bois, veillent sur un territoire plus que centenaire. Ce lieu existe vraiment : c’est le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo. Et il a failli disparaître. Mais contre toute attente, ce ne sont pas des chevaliers, ni même des écologistes venus du futur qui sont venus à sa rescousse… mais le bitcoin.
Oui, vous avez bien lu.
Créé en 1925, le parc des Virunga est le plus ancien d’Afrique. Il abrite une biodiversité spectaculaire, dont les emblématiques gorilles des montagnes. Pourtant, malgré son importance écologique, ce sanctuaire a été ravagé par des décennies de conflits armés, de braconnage, d’épidémies, et plus récemment, par l’effondrement du tourisme dû à la pandémie. Le parc a survécu à l’Ebola, aux enlèvements, à la violence des milices… mais le vide économique provoqué par la crise du COVID-19 a presque eu raison de lui. Le tourisme représentait alors près de 40 % de ses revenus. Et le gouvernement congolais, lui, ne finance qu’à peine 1 % de son budget.
C’est dans un château en France, fin 2019, qu’une idée étrange a germé. Sebastien Gouspillou, PDG de Big Block Green Services, y rencontre Emmanuel de Merode, le directeur du parc. L’un est un passionné de blockchain, l’autre un aristocrate belge devenu défenseur acharné de la nature congolaise. Leur échange dure des heures. Gouspillou a une vision : utiliser l’énergie inutilisée du parc – celle de ses centrales hydroélectriques – pour alimenter un centre de mining de bitcoins. En d'autres termes : transformer le surplus d’électricité en cryptomonnaie, et cette cryptomonnaie en fonds pour sauver la forêt.
Cela aurait pu rester une utopie. Mais quelques mois plus tard, en septembre 2020, les premiers bitcoins étaient minés au cœur même de la jungle africaine.
Contrairement à l’image polluante associée au bitcoin, le mining des Virunga est vert. Il fonctionne grâce à l’énergie hydraulique – propre, locale, durable. Dix conteneurs trônent aujourd’hui dans la forêt, abritant des centaines de machines appelées ASICS. Elles résolvent les calculs nécessaires à la blockchain tout en injectant de l’argent dans un écosystème en péril. Trois de ces conteneurs appartiennent au parc, les autres à Gouspillou. Ce dernier achète l’électricité au parc – ce qui crée un revenu direct. Pendant les pics du bull run de 2021, jusqu’à 150 000 dollars par mois ont été générés : de quoi compenser une grande partie de la chute du tourisme.
Ce projet n’est pas qu’une rustine : c’est un cercle vertueux. L’énergie produite par les centrales sert au mining, mais pourra demain électrifier les villages voisins. Les machines, une fois en fin de vie, seront recyclées dans les communautés africaines, évitant les déchets électroniques. Les bénéfices ? Ils sont utilisés immédiatement : pour payer les salaires, entretenir les infrastructures, et soutenir les rangers – dont plus de 200 ont perdu la vie depuis 1996.
Bien sûr, l’histoire n’est pas un conte sans ombre. De Merode a déjà été blessé par balles. Les risques sont réels. Mais les clés privées du portefeuille bitcoin sont gérées par une équipe financière locale. Les bitcoins sont régulièrement convertis pour garantir la continuité du parc. Il ne s’agit pas de spéculer, mais de survivre.
Depuis ce succès, d’autres projets naissent en Afrique. Au Kenya, au Malawi, en République centrafricaine, des initiatives similaires émergent. Car le bitcoin peut, paradoxalement, rendre viable la production d’énergies renouvelables dans des régions où la demande est encore faible. Comme le résume la chercheuse Magdalena Gronowska : les mineurs sont des « acheteurs de premier et de dernier recours ». Ils permettent à des projets d’énergie verte de naître là où ils seraient autrement économiquement impossibles
Pour raconter cette histoire autrement – dans un langage que la magie comprend – il fallait une incarnation. J’ai imaginé un être ancien, massif et noble : un gorille debout, poing levé, comme pour dire « ici, je tiens ma terre ». Mais ce gorille n’est pas fait que de chair et de souffle. Il porte une armure dorée, forgée non pas dans les mines du monde, mais dans la forge invisible des blocs numériques. Sur ses brassards, un sceau : le symbole du bitcoin. Ce n’est pas une monnaie. C’est un artefact. Un talisman moderne, né de l’algorithme, qui l’aide à protéger sa forêt. Il n’est pas seul : il est la mémoire d’un peuple végétal, le gardien des esprits d’arbres, l’écho d’un futur où technologie et nature cessent de se détruire pour se renforcer.
Cette créature, je l’ai créée pour célébrer cette étrange alliance. Un hommage féerique à une lutte bien réelle.
Il y a quelque chose de profondément poétique dans cette rencontre inattendue entre une technologie de pointe et une forêt millénaire. Entre des circuits imprimés et les battements discrets d’un cœur de gorille. Le parc des Virunga n’a pas été sauvé par la charité. Il a été sauvé par une idée. Une alliance entre l’humain, la nature, et l’innovation.
Et dans cette alliance, peut-être, se cache un peu de cette magie que nous cherchons tous à faire renaître dans le monde.